Mandy Lerouge est une embellie dans le paysage souvent tourmenté de la mondialisation… Enfant du métissage née d’un père malgache et d’une mère française, ayant grandi dans les lumières des montagnes des Hautes-Alpes, sa carrière artistique lui a rapidement permis de voyager au-dessus des sommets et des océans. En 2014, elle s’est (re)trouvée dans l’immensité naturelle et culturelle de l’Argentine. Mandy s’est alors engagée corps et âme dans le sillon déjà profond de ces musiques populaires et créolisées, au carrefour des identités amérindiennes et européennes. Avec ses talents artistiques et sa personnalité rayonnante, elle y a rapidement creusé sa propre empreinte…
Cavalière depuis sa tendre enfance, Mandy Lerouge sait depuis lors que pour voyager loin, il est essentiel d’être en adéquation avec sa monture autant qu’avec son environnement et elle-même. L’harmonie se trouve dans l’écoute et dans le mouvement ! Rien d’étonnant à ce qu’elle s’épanouisse au pays des gauchos… « La Roja » comme l’appellent affectueusement ses mentors et fans argentins, a su construire sa carrière sur des fondations solides. En plus d’une expérience dans le journalisme, pour aiguiser un peu plus son insondable curiosité et éprouver son sens du relationnel, elle suit par ailleurs une formation d’ingénieur du son… Pour pouvoir mieux comprendre les rouages de cet aspect essentiel de la musique et ainsi parfaire son oreille ! Une expérience qui lui sera tellement bénéfique au moment de rencontrer des sorciers du son dans leur studio, comme ce fut le cas pour son premier album avec Gérard de Haro, dans son écrin de La Buissonne, ou plus récemment avec Philippe Teissier du Cros et François Fanelli…
Pas étonnant que Mandy Lerouge ait également développé à toute vitesse ses talents de chanteuse et de musicienne, en ouvrant grand ses oreilles et son coeur à celles et ceux qui souhaitaient lui transmettre. Elle a flirté un temps avec le jazz et le trip hop… Pour s’enflammer au contact des musiques argentines ! Comme un présage annonciateur, la première chanson qu’elle a écrite à 19 ans pour un autre artiste, Social Mask d’Alif Tree, fut choisie pour la première saison de la série à succès Emily in Paris… Un premier trait d’union entre des mondes très éloignés !
Depuis ses bases marseillaises, Mandy a progressivement développé son projet comme une artiste, mais aussi comme une véritable entrepreneure. Elle a structuré ses activités avec rigueur et détermination en créant la Compagnie Le Fil Rouge en 2018, afin de produire ses tournées et deux albums de manière indépendante, poussée par une communauté de fans et de partenaires.
Artistiquement, elle a conquis des personnalités marquantes des musiques françaises et argentines : Chango Spasiuk, Raúl Barboza, Melingo, Lalo Zanelli, Minino Garay, André Manoukian, Vincent Segal, et plus récemment Nicolas Repac, Arthur H… Que de belles fées penchées au-dessus de son berceau !
Ainsi, dès 2020, Mandy Lerouge a permis à son premier album La Madrugada d’être auréolé d’un succès public et critique. Ce terme désigne l’aurore, ce temps d’éveil du monde qui ouvre le champ des possibles… pour son chant ! Sur les routes et les pistes argentines, en bus ou à cheval, Mandy a lancé son exploration sensible du Nord du pays, terre des Guaranis, des Quechuas et des gauchos. Carnet de notes et enregistreur dans les mains, elle a parcouru avec avidité ce nouveau territoire, multipliant les rencontres pour faire entrer en résonnance les pépites du répertoire populaire et les histoires passées et présentes qui les accompagnent. Ce premier album est à la hauteur du personnage de la jeune artiste : lumineux et profond.
Après cette aube prometteuse, Mandy a poursuivi son voyage dans les cultures et les paysages escarpés du Nord-Ouest de l’Argentine. Durant ce parcours, alors que le soleil était haut, elle s’est abreuvée à une nouvelle source d’inspiration, celle du légendaire compositeur et interprète Atahualpa Yupanqui (1908-1992). Enfant du métissage né d’un père quechua et d’une mère basque, ayant trouvé refuge et sérénité dans les lumières des sierras de la région argentine de Córdoba… Cela ne vous rappelle rien ?
Son nouvel album « Del Cerro » trouve son origine dans un paysage physique et musical, et il trouve son titre dans une révélation : près d’une centaine des oeuvres du poète Yupanqui sont co-signées par un certain Pablo Del Cerro. Un nom mystérieux pour un compositeur aussi marquant que discret dans l’histoire des musiques argentines… Mandy Lerouge fait alors une découverte vertigineuse : ce compositeur argentin est en fait une compositrice… française, autre enfant du métissage : Antoinette Pépin (1908-1990)!
Mandy se lance alors dans une aventure incroyable. Pendant trois ans, elle mène une véritable enquête musicale et approfondie entre la France et son pays d’adoption : un travail minutieux et généreux de recherche, notamment dans le village Cerro Colorado, à 900km de Buenos Aires, où elle retrouve la trace de Roberto Chavero, fils d’Atahualpa Yupanqui et Antoinette Pépin. Cet héritier est intrigué par la passion et l’aura de Mandy ; il lui permet un accès privilégié à la maison et aux archives d’Antoinette Pépin… Carnets, manuscrits, partitions… Il lui confit même l’ouverture de cartons oubliés depuis le décès de sa mère ! Mandy y découvre notamment une oeuvre inédite et inachevée de l’immense compositrice…
Ce travail de collectage, de recherche et de réinterprétation va permettre de mettre en lumière ce matrimoine musical méconnu et d’éclairer l’importance de l’oeuvre d’Antoinette Pépin. Le nouvel éclairage donné par Mandy à ces oeuvres constituera l’intégralité du répertoire de son nouvel album « Del Cerro », un album réalisé par le talentueux et prolifique «marabout sonore» Nicolas Repac (Label No Format, Arthur H, Alain Bashung…). Plus qu’un réalisateur, Nicolas Repac s’est rapidement mué en guide pour accompagner puis laisser cheminer l’artiste dans des chemins encore inexplorés, musicalement et vocalement. Il est le grand créateur d’un espace imaginaire où Mandy et Antoinette peuvent évoluer ensemble, entre les mondes, les pays et les époques. Son apport de samples et de textures permet également à des compositions et arrangements déjà éblouissants de caresser le sublime. Magnifique hommage d’artistes du monde moderne à cette personnalité hors du commun qui avait choisi de rester dans l’ombre…
Amaury Rullière
©Anne-Laure Etienne
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